Lectures Érotiques (24). Sarah : « JAi Joui» (Editions Anne Carrière, 2002)
LAUTEURE
Au moment où elle écrit ce livre en 2002, sous le pseudonyme de Sarah, lauteure est une jeune fille de vingt ans qui achève ses études à Sciences Po Paris et possède une licence de philosophie. Elle a souhaité garder l'anonymat pour ne pas choquer ses proches et ses parents qui ne savent pas tout.
RESUME
Sarah a 20 ans, elle est étudiante. Elle est jolie, sociable, multiplie les rencontres. Elle ne croit pas au mythe amoureux, veut vivre une sexualité épanouie, assumer pleinement ses envies et sa féminité. Elle a une quête dans l'existence : connaître la jouissance. A travers ce récit cru et direct d'une jeune femme, ce sont toutes les problématiques actuelles d'affirmation d'une sexualité féminine libre et choisie, qui transparaissent. Et le suspense est maintenu : avec lequel de ses amants parviendra-t-elle à accomplir son objectif, et que ressentira-t-elle ?
Parvenir à jouir devient chez Sarah une question de vie ou de mort, une démarche existentielle. Cest son Everest, son Graal, son unique ambition. Dans les aventures où l'entraîne sa recherche, elle devient chaque fois plus belle, plus indécente. Mais c'est seulement avec celui qui deviendra son "Vieil Amant" qu'elle trouvera enfin la compréhension, tout à la fois affective et intellectuelle, dont elle a besoin pour se sentir en confiance et, enfin, atteindre l'extase. Par-delà l'ivresse de ses révélations, elle nous donne à vivre une lecture précieuse comme un trésor.
Le livre a été réédité, en version poche, à « La Musardine », en 2019.
COMMENTAIRES
A 20 ans à peine, l'héroïne décrit son univers de jeune fille et sa recherche du plaisir : cest un voyage érotique, un désir permanent, une longue quête avec ses audaces et ses folies. En dépit dun titre racoleur, rarement livre aura traité avec autant de fraîcheur la quête du plaisir.
Irradiante, voluptueuse, fulgurante, enivrante, merveilleuse : la jouissance est là, nichée dans le corps.
La société, avec ses morales, ses religions qui interdisent, ses peurs d'assumer ce qu'elle ne peut gouverner, a souvent fait du plaisir et du sexe un univers tabou.
Tatiana de Rosnay, dans « Psychologies magazine », dit de ce livre quil est « une quête du plaisir qui est avant tout une conquête de la féminité. Son écriture est vive, pétillante, enlevée, avec des scènes souvent crues. Mais l'originalité du livre réside dans la puissance et l'enthousiasme avec lesquels Sarah part à la découverte de sa féminité. Avec cet ultime paradoxe : une tension permanente pour arriver enfin au lâcher-prise et à l'abandon. »
Je reproduis aussi la note que léditeur, Anne Carrière, adressa en 2002 à lauteur, alors en troisième année de lIEP :
« Parmi la multitude de manuscrits qui parviennent à un éditeur, rares sont les surprises qui président aux révélations. Alors que je nai jamais eu dattirance particulière pour la littérature érotique, ce texte ma apporté un bonheur double : lire avec délectation lalchimie contenue dans ces pages, et ressentir lémotion que lon éprouve devant une véritable uvre littéraire.
Merci donc, Sarah, pour ton talent et ta lucidité qui mont donné envie de faire connaître ton histoire. A 20 ans à peine, tu nous révèles ton univers de jeune fille et ta recherche du plaisir. Ton voyage érotique est lumineux, la vibration de ton désir permanente dans une humanité omniprésente. Tu racontes sans détour lintimité de ta quête, avec tes pensées, tes audaces et tes folies. Je comprends et jaccepte ta pudeur qui ta fait choisir lanonymat. »
QUELQUES EXTRAITS POUR INVITER A LA LECTURE
Dans la préface, Sarah annonce la couleur :
"J'ai téléphoné à mon amie Charlotte pour lui annoncer la nouvelle. Elle a crié de joie. Bientôt, je m'en doute, toute la ville saura que j'ai joui.
DECEPTIONS
Sa première expérience est décevante : Sarah est déflorée, non par Frédéric, le garçon qui lui fait la cours et se contente dattouchements, mais par son meilleur copain, Eric. Sauf que si Eric a joui, Sarah non.
La seconde expérience, avec Frédéric cette fois, où Sarah se fait sodomiser dans le hall de son immeuble, nest pas davantage concluante pour la jeune fille.
Dès lors, la quête de la jouissance devient pour elle une obsession : « jétais femelle, la nature me le devait. Jouir, cette inconnue intensité dêtre me manquait. »
Elle fait une nouvelle tentative avec Frédéric, qui a réservé une chambre dhôtel pour lui « faire lamour ». Lexpérience se révèle désastreuse.
Sarah connait une nouvelle étape avec Antoine, le rugbyman viril : « Que cétait bon ! A peine avais-je pensé ainsi quil sortit son sexe du mien, pour revenir une fois encore, plus fortement, me serrant dans ses bras (
) Commença alors un long va-et-vient qui me fit tourner la tête. Mes doigts senfoncèrent dans la peau de son dos, griffèrent, pressèrent et je mis à hurler, dune voix que jentendis rauque comme si ce nétait pas la mienne :
Plus fort ! PLUS FORT ! »
Et pourtant si Sarah reconnait que jamais elle navait hurlé ainsi, à nouveau elle ne connait pas lorgasme. Il en sera de même avec un autre jeune homme Matthieu, qui se contente déjaculer dans la bouche de Sarah. Dans un club de vacances, un moniteur lui fait mal avec ses doigts.
UNE LONGUE QUETE
A loccasion dun voyage aux Caraïbes, Sarah fait la connaissance dAndré, quinquagénaire et ethnologue. Elle va dabord lui résister.
Elle finit par lui céder : « Il me retourna soudain (
) et senfonça en moi, levant mes jambes devant lui, ses lèvres ancrées aux miennes.
Oui, oui, plus fort
Cest ce que je mis à crier :
Plus fort !
Encore crier.
Le torse porté par ses avant-bras tendus, André se mit à accélérer le mouvement de ses hanches.
Cétait bon. Cétait bon. Cétait si bon
A linstant où nos yeux se croisèrent, il se mit à jouir en moi, tremblant et seffondrant sur mon corps.
(
) Javais envie quil recommence, je navais pas envie de parler. Il avait joui, moi pas. Cétait mon refrain de jeune fille. Que pouvait donc mapporter un homme de cinquante ans ? Jouir, peut-être ? A ce moment, pourtant, je ne pensais pas que cela puisse marriver. »
Cest pourtant avec André, quelle appelle désormais son « Vieil Amant » que, de retour à Paris, se fera le déclic.
« Mon Vieil Amant sétait trouvé amusé de mon impatience à exiger ce plaisir. En riant, il disait que tout était normal, quune jeune fille, à mon âge, ne pouvait rien percer encore des mystères de la vie, quil était plutôt précieux de ne pas avancer trop vite sur le chemin délicat de la connaissance de lêtre.
Avant trente ans, une femme ne sait pas encore jouir ! (
) La poésie du plaisir, Sarah, relève dun art mystérieux lié à la vie. Ce nest pas quune technique, Dieu soit loué ! »
Mais Sarah ne saurait attendre. André devient « le personnage » dun de ses choix dexistence.
André décide alors, pour tenter le déclic, de partager Sarah avec un autre homme quelle ne verra pas, ayant les yeux bandés.
« Javais envie deux autant quils le voudraient. Jétais une salope, celle qui se terrait en moi, et ça me plaisait. (
) Longtemps, lun et lautre étaient venus en moi, dans ma bouche et dans mon sexe. Longtemps ils avaient parcouru ma peau et sétaient repus de moi jusquà satiété. (
) Lami du Vieil Amant mavait fait connaître une sensation nouvelle lorsque, mayant placée sur son sexe, il menvahit toute entière comme jamais cela ne marriva.
Il en sera de même avec un jeune homme que « Vieil Amant » avait invité :
« Prends-le dans ta bouche, me chuchota-t-il à loreille.
Le jeune mâle nen revenait pas de mon audace. Il vit ma main défaire sa ceinture, ouvrir sa braguette (
) Il vit mes doigts enserrer son membre dur, tendu, long et fin. Il vit (
) ma bouche laccueillir, ma langue le lécher.
Jaime le sexe des hommes. Jaime ce plaisir qui vient de leur désir. »
Nouvel échec : « André me mit à quatre pattes, comme jaimais tant quil le fasse. (
) Le sexe de mon Vieil Amant adoré avait beau glissé en moi jusquà me faire vibrer de plaisir, lexplosion attendue ne se produisait pas, jamais, jamais
»
André fait alors une autre tentative, avec un couple damis, Manuel et Clara, une superbe italienne.
« Clara membrassa la première, sa langue pénétrant lentement mes lèvres (
) les corps de Manuel et Clara me rendaient folle de désir. Pourquoi la jouissance était-elle si proche et si inaccessible à la fois ? »
ENFIN !
Ce sera avec André son « Vieil Amant » que Sarah va connaitre la consécration, toucher ce Graal quelle cherche en vain depuis si longtemps. Chez lui, dans la chambre de son amant, pendant que, sur la télévision, passe la vidéo du film « Microcosmos ».
« Il avait commencé à me caresser avec une précision inconnue jusque-là. Son doigt allait avec de plus en plus de force à cet endroit exquis. Cette fois, jen suivis la cadence mais ouvris les yeux pour découvrir les insectes se faufiler entre des herbes, butiner des fleurs, voleter dans lespace. Est-ce la découverte de ce monde si petit, si éloigné du nôtre qui capta mon esprit, lempêchant de jouer le contrôleur de mes sens ? (
) Le Vieil Amant embrassait mon cou et caressait mon sexe. Je ne voulais plus comprendre pourquoi son doigt était placé au juste endroit, pourquoi le mouvement se mêlait à celui de mon désir, pourquoi, pourquoi, pourquoi
Linsecte fondit sur un autre et le perça de son dard. Lherbe était emplie de tragédies. Puis une danse dabeilles, dans leurs costumes de velours. Et là, là, précisément :
JE JOUIS ! »
CE LIVRE ET MOI : JE SUIS ET JE JOUIS
Dès le début de son livre, Sarah dit : « Jai vingt ans et depuis longtemps je sais que jaime le désir. A la folie. Je sais aussi combien mes envies sont fortes. ».
Cest évidemment un point commun entre Sarah et moi, puisque cette envie chez moi aussi remontait loin, à ladolescence, au moment où je voyais mon corps se transformer, devenir femme et où je rêvais dachever cette transformation en découvrant par moi-même ce plaisir dont javais été le témoin clandestin, en observant mes parents, ensemble ou avec leurs amants respectifs, que javais ressenti dans des lectures interdites découvertes dans lenfer de la bibliothèque, que mes doigts mavaient fait découvrir le plaisir.
Contrairement à Sarah, je nai attendue ni mes 20 ans pour faire la merveilleuse découverte de la jouissance, ni dêtre déflorée.
Pratiquante assidue de la masturbation depuis ma puberté, jai très vite découvert la violence de mes orgasmes, mon manque de discrétion lorsque lorgasme sannonce, où je ne peux me contenir mayant valu, dès ce moment-là, de grands problèmes. Je renvoie au texte que jai publié à ce sujet le 24 janvier 2019 : « Philippe, le mari candauliste et Olga, l'épouse hypersexuelle : masturbation et hypersexualité ».
Une autre formidable découverte fut la première fois où jai bénéficié dun cunnilingus, juste contrepartie de la première fellation que javais pratiquée.
Je suis cependant daccord avec Sarah : la défloration est un moment de rupture dans tous les sens du terme et, contrairement à Sarah, jai eu la chance davoir un initiateur qui ma conduit immédiatement au plaisir, comme je lai expliqué dès le premier texte publié le 29 novembre 2016 sur HDS (« Olga l'hypersexuelle et Philippe le candauliste. Comment j'ai découvert mon hypersexualité »
Le livre de Sarah raconte une longue et même douloureuse quête de la jouissance. Hypersexuelle comme lest cette jeune fille, je peux imaginer sa frustration, sa souffrance davoir tant attendu, moi qui aie demblée trouver le chemin du plaisir, dès ma première masturbation, dès mes premiers désirs, dès que ma défloration fit de moi une femme.
Sarah a raison de dire à la fin de son livre « quil faut savoir jouir et donner du plaisir. »
Je partage aussi sa philosophie quand elle réfute toute perversité en elle et condamne les « hypocrites moralisateurs ». Elle ajoute : « Le plaisir, pour moi, est vénérable. Cest la violence qui me semble pornographique. Lintolérance, sur de lignorance. »
Sarah conclut son roman en disant : « Jai joui, jen suis fière et je recommencerai autant que cela sera possible, avec ceux ou celles dont jaimerais létat dêtre. »
Je remercie Philippe de mavoir fait découvrir ce petit livre, quil mavait donné avec une dédicace à « mon Olga, pour qui la jouissance est comme lair quelle respire, indispensable, une vague qui emporte tout, qui sublime sa beauté et qui est un merveilleux don pour celui ou celle quelle aime ».
Les orgasmes que jenchaine sont dans la nature de lhypersexuelle que je suis devenue depuis que je suis nubile. Cest dailleurs ce plaisir qui marque la véritable frontière, certes fragile, entre nymphomanie et hypersexualité, la nymphomane se laissant aller à des plaisirs répétés, sans y trouver satisfaction.
Jaime aussi offrir mon plaisir et cest pour cela que jai fini, après avoir longtemps refusé, par satisfaire le candaulisme de Philippe. Quand il est le témoin de mes ébats, sa présence décuple mon plaisir. Il na même pas besoin de mencourager, son regard me suffit. Je sais quelle est notre complicité et je suis consciente de lui offrir mon plaisir. Je le fais pour moi bien entendu, mais pour lui également.
Comme Sarah, je suis heureuse et fière de jouir. Et jai envie de dire, je jouis, donc je suis.
Même si cela ne saurait résumer bien entendu ni ma vie, ni ma personnalité, mais correspond à mon être profond.
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